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Billets d'humeurs et réflexions

Sport et Dévelopement – Qui sont les véritables Champions de la Paix ?

By 19/12/2019décembre 23rd, 2019No Comments
Peace and Sport Awards 2019 the winners

La semaine dernière se tenait la douzième édition du Peace and Sport Forum à Monaco.

J’ai eu la chance d’assister à l’événement en tant que fondatrice de BeInnovActiv’ et ancienne du Global Sport Mentoring Program. Le GSMP a été récompensé par le trophée Peace and Sport de l’Action Diplomatique en 2018).  J’aimerais partager mon expérience avec vous à travers cet article. En particulier, je vous ferai part de mon propre point de vue sur ce rassemblement de champions de la paix.

Champions de la Paix, strass et paillettes : la combinaison magique pour promouvoir le sport au service de la paix ?

Malgré la grève interprofessionnelle qui ralentie la France depuis quelques jours désormais, Evènement a su rassembler –et bien rassembler- dans un cadre majestueux. Strass et paillettes étaient au rendez-vous.

Tout comme certains jeunes participants du programme « Investing in Youth » lancé cette année par Peace and Sport dans le cadre du Forum, j’ai eu souvent l’impression de flotter dans un monde auquel je n’appartiens pas. Celui notamment du protocole princier et des VIPs. Après tout, Monte Carlo est l’incarnation même du glamour. Chaque rue peut vous rappeler des photos de la Princesse Grace Kelly. Ne nous y trompons pas, je suis reconnaissante d’en avoir fait l’expérience. Toutefois, comme cela a pu être le cas de certains nominés aux Awards Peace and Sport, je me suis parfois faite la remarque du décalage entre les messages passés, les actions mises en avant et le faste des lieux. C’est sans doute dans le paradoxe entre la neutralité du pays où est née l’organisation et la volonté affichée d’être force d’intervention pour la paix par le sport que naissent mythes et opportunités.

 

Quels messages retenir de ce Forum ?

Combattons ensemble le bon combat

Si ma participation était avant tout motivée par ma volonté de soutenir certains acteurs de terrains, mes champions de la paix, je me suis aussi laissée emporter et inspirer par certains messages portés par des intervenants et intervenantes de haut vol. S’ils m’ont particulièrement marqué c’est sans doute qu’ils portent les germes de ce que je perçois comme les indispensables en matière de sport pour le développement. Ainsi S.A.S le Prince Albert de Monaco nous a rappelé que « notre combat commun s’articule autour de la dignité de l’être humain ».

Qui dit cause, dit inspiration et modèles. Siya Kolisi (capitaine de l’équipe d’Afrique du Sud championne du Monde de Rugby en 2019 et élu Champion de l’Année au Peace and Sport Awards) et Daniela Bas (Directrice de la Division pour le développement social inclusif aux Nations Unies) le sont tous deux pour beaucoup d’entre nous. Mais leur humilité et leur perspicacité les ont amenés à partager, l’une en ouverture du Forum et l’autre en clôture de la cérémonie des Awards, une invitation commune. « Nous pouvons tous être des modèles pour les autres. Laissons nos « in » à la maison et n’emportons avec nous que nos CAPACITES » dira Mme Bas. Quand Siya insistera plus tard sur le fait de « Ne jamais abandonner. Pensez à tous ceux et celles qui vous prendront comme exemple. Soyez des modèles. »

Enfin, Afridun Amu, premier surfeur Afghan, a partagé sa définition inspirante de la joie : « La joie ne s’inscrit ni dans le passé, ni dans le future, elle se vit dans le moment présent, purement et simplement » ! Une définition qui, même si elle est forte de sens pour tous et toutes, revêt un intérêt certain dans le contexte particulier du sport pour le développement et la paix.

Permettez-nous de rêver le rêve !

A l’occasion de cette douzième édition du Forum, le club des Champions de la Paix initié par Peace and Sport fêtait ses 10 ans. De nombreux sportifs étaient présents. Tous et toutes je les ai regardés avec des étoiles dans les yeux parce qu’ils et elles représentent des héros de la résilience et de la performance… parce que leurs exploits nous font rêver, parce qu’on les perçoit comme intouchables demi dieux.

'N'abandonnez jamais. Pensez à tous ceux qui vous regarderont. Soyez un modèle', message rafraîchissant et inspirant de @Siya_Kolisi au #PISF2019 par @PeaceandSport

Mais le Forum a confirmé mon sentiment…

Les véritables Champions de la Paix, ou tout du moins MES véritables champions de la paix sont ceux et celles qui sur le terrain chaque jour travaillent avec humilité et passion pour faire avancer les choses. Et dans le contexte du sport pour le développement et la paix, cela veut bien souvent dire mettre sa vie en danger pour que vive ses idées.

Mes champions de la paix…

Permettez-moi de vous raconter l’histoire de Claudia et Hector venus du Venezuela pour représenter leur organisation Deporte Para el Desarollo, nominée dans le cadre de l’Award dédié à #April6, sur le Forum. J’ai eu le privilège de partager leur quotidien pendant les 4 jours qu’ils ont passé en France et à Monaco. Ils sont mes champions de la paix et je vous explique pourquoi.

A propos du Vénézuela

Avant toute chose et afin de remettre les choses en perspectives, il est important de rappeler que le salaire minimum au Venezuela (qui concerne environ un tiers de la population) est de 8 dollars par mois… Non ce n’est pas une erreur de ma part… Autant dire que leur participation au Forum, évaluée à environ 2000 dollars entre l’inscription au Forum et les frais de transports (l’équivalent donc de 250 mois de salaire minimum), n’aurait été possible sans le soutien d’organisations et de mécènes croyants en eux et en l’impact positif de leur participation.

J’ai beau ne pas parler l’espagnol, la chaleur et la passion qu’ils dégagent est communicative. L’on ressent immédiatement leur amour pour leur pays et leur volonté de contribuer à le rendre meilleur.

A les écouter parler du Venezuela (en anglais donc afin que nous puissions échanger), on ressent l’envie de visiter un pays aux mille promesses, riche culturellement et à la nature luxuriante. On a envie de danser avec eux et d’explorer cette culture chaleureuse. On ressent aussi ce déchirement, ce cri du cœur dans les difficultés exprimées à demi-mots. Car le Venezuela est confronté à de graves défis économiques et sociaux. En 2016, le pays avait le deuxième taux de meurtres le plus élevé au monde. Avec l’hyper inflation sont apparues les pénuries alimentaires, la malnutrition et une augmentation significative des taux de mortalité infantile. 25% de la population vit dans la pauvreté extrême, le pays vit littéralement une crise humanitaire.

L’oppression politique ils n’en parlent pas… La peur c’est moi qui la ressens pour eux car qui sait ce que changera le trophée remporté à Monaco et la lumière mise sur leurs actions de terrain.

…Vainqueurs d’un trophée au #PISF2019…

Car oui, Hector et Claudia ont, contre toute attente, remporté le trophée dédié à l’initiative #April6 de l’année qui récompense les individus et les organisations qui ont contribué à la célébration du 6 Avril, Journée International du Sport au Service du Développement et de la Paix.

 

Claudia Contretas and Hector Gonzalez - Champions for Peace

'Ce triomphe n'est pas seulement le nôtre, mais celui de tout le Venezuela ! Ne vous sous-estimez jamais car aujourd'hui nous sommes témoins que toute victoire est possible

A la question, qu’avez-vous ressenti lorsque votre nom a été mentionné lors de la cérémonie, je suis heureuse de dire qu’ils ne retiendront pas ce moment gag lorsqu’Anne-Laure Bonnet, la maîtresse de cérémonie, à dévoiler leur nom de familles avant que l’enveloppe ne soit ouverte par Paula Radcliff qui remettait le prix. Non, leur réaction a été celle de la surprise entière, totale. Pour les avoir accompagner les jours et heures précédant la cérémonie, je sais qu’elle n’était pas feinte. Claudia avait son téléphone pour filmer les vainqueurs… il a fallu qu’Hector lui répète à deux reprises « Claudia c’est nous qu’ils appellent » pour qu’enfin elle comprenne.

Le pouvoir de célébrer pour son pays

Quelques heures plus tard, alors que nous prenons le temps d’une interview en profondeur, ils me confient encore ne pas y croire. Ils se sentent comme des ambassadeurs de bonnes nouvelles pour leur pays et souhaite que cette récompense soit un message d’espoir pour leurs compatriotes. Ils peinent d’ailleurs à mettre les mots sur la vague de réactions que la nouvelle a suscité.  Leur humilité et émotions à fleur de peaux, ils se dévoilent et tiennent à ce que je l’écrive : « Ce triomphe n’est pas seulement le nôtre, mais celui de tout le Venezuela ! Rien dans le monde qui ne soit valable n’a été accompli sans passion, et c’était le principal moteur de cette initiative. Et maintenant, nous ne pouvons que remercier chacun de vous. Ne vous sous-estimez jamais car aujourd’hui nous sommes témoins que toute victoire est possible. ». Pour eux, la lettre d’invitation reçue était déjà une reconnaissance que le monde s’intéresse à l’approche qu’ils ont développée. Mais désormais, ils rêvent que ce trophée résonne comme une invitation aux différents alliés à visiter le Venezuela, et à investir dans le changement.

… un pack engagé  au quotidien

Au-delà du premier festival « Learn, Play, Try » qui leur a valu cette récompense, Hector et Claudia sont mes champions de la paix pour leur engagement quotidien. Quand je leur demande leur mission et la raison pour laquelle ils ont créé Deporte Para el Desarollo, ils me disent vouloir « simplement » travailler à faire fructifier la gentillesse et la chaleur de la culture vénézuélienne en apportant un souffle nouveau. Or ils ont aussi compris que le sport est le seul bastion dans lequel la politique n’a et ne trouvera pas sa place. Le seul espace de liberté auxquelles les familles ne renonceront jamais : au prix de sacrifice sur la nourriture ou les médicaments s’il le faut ! Parce que le sport et les athlètes sont respectés, que sa pratique fournit une protection dans la communauté, ils font donc du sport une plateforme pour le changement social, un outil au service de l’apaisement et du développement (la paix au sens le plus noble du terme).

Le point commun de toutes les personnes investies (moyenne d’âge 23 ans) dans leur organisation ? « Nous sommes tous animés par le souhait de faire progresser notre société. Nous savons que cela est possible en s’appuyant sur les nouvelles générations. C’est pourquoi nous travaillons à offrir une série de normes cohérentes, basées sur le respect et la compréhension, que les enfants doivent apprendre mais surtout comprendre… cela passe par le jeu ! »

L’équipe a développé une méthodologie unique et contribue à la promotion du sport pour le développement, un concept encore trop peu connu en Amérique Latine. En participant au forum, leur objectif était d’ailleurs d’offrir une caisse de résonance à leurs idées afin d’introduire le concept sur la place publique et de nourrir le débat.

Sur le terrain, comment ses champions de la paix transforment-ils l’essai ?

Concrètement, Deporte Para El Dessorallo travaille autour de 3 axes :

  • En premier lieu, la formation des coaches à une méthode autour de l’enseignement des compétences sociales par le sport. Depuis sa création en 2012, l’organisation a formé plus de 1000 coaches, chacun accompagnant ensuite 20 à 40 enfants. Il est bon de noter que l’activité de coach sportif n’est absolument pas réglementée au Venezuela et que la plupart n’ont donc qu’une formation très limitée voire inexistante. Hector et Claudia décrivent les coaches formés comme des entrepreneurs philanthropes, dévoués à leur communauté et malheureusement encore souvent sous-payés.
  • En second lieu, le développement et la mise en œuvre d’activités sportives à l’attention de la jeunesse. Ces activités s’adressent tant aux jeunes des classes populaires qu’aux jeunes nantis. Elles permettent ainsi une certaine mixité sociale et gomment le temps d’un entrainement les disparités. Elles ont pour objectifs, au-delà des aspects techniques de la discipline sportive, d’équiper les jeunes participants et participantes de compétences sociales nécessaires à leur évolution, en particulier autour de la planification et du leadership.
  • Enfin, en troisième lieu, on retrouve l’investissement dans les parents et les communautés. Deporte Para El Dessorallo organise régulièrement des ateliers de travails et d’échanges afin d’expliquer et expliciter le modèle de changement proposer par l’organisation. L’objectif étant de sensibiliser à la pratique de sport et de faciliter une prise de conscience autour du vivre ensemble.

Leur recette pour réussir ?

Tout d’abord un soupçon de méthode « El Loco »… Autrement dit l’observation de ce qui se fait ailleurs J . La méthodologie a en effet été développé après un an passé à lire et s’imprégner des études, enquêtes et programmes existant de par le monde. L’équipe a pris le temps de voyager et s’inspirer des bonnes pratiques en se formant à pas moins de 5 approches différentes. Elle a ensuite adapté le tout au contexte local pour créer sa propre formule. Autrement dit une méthode flexible et adapté au contexte de l’Amérique Latine. Pas d’application mobile ici, les coaches n’ayant ni smartphones ni accès à internet de manière régulière !

Mais ce qui fait la différence selon Hector c’est aussi et surtout que la méthode développée met l’humain au centre, encore et toujours. Comme l’explique Claudia « Nous créons une méthodologie pour que les entraîneurs enseignent les compétences sociales, parce que nous savons que chaque enfant ne sera pas un athlète de haut niveau, mais chaque enfant doit être un bon citoyen. Nous développons des êtres humains. »

Enfin peut-être l’ingrédient secret : faire de l’égalité des genres un pilier de l’organisation. Hector et Claudia expliquent que lorsque les femmes et les jeunes filles pratiquent le sport, c’est l’ensemble de la communauté qui changent car dans la société Vénézuélienne, les femmes restent la figure centrale de la famille. Par le sport, ils montrent également la voie à ces jeunes filles notamment en matière de perspectives sociales et de carrières : c’est l’empowerment par le sport et c’est ainsi qu’on les invite à être actrice du changement qu’elles souhaitent voir.

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